Premières impressions par Lawrence Cuvelier
En route pour le Congo
C’est mon premier voyage vers l’Afrique noire, et donc vers ce pays mythique dont tout belge a entendu parler, le Congo, mille légendes, mille récits, où mon père aurait dû passer toute sa vie professionnelle en tant qu’administrateur territorial, et où il a été à la fameuse université coloniale qui est devenue depuis lors l’institut de médecine tropicale. Dès lors, que croire de ce pays si familier et si singulier. Avec des habitants dont nous avons l’impression qu’ils sont nos cousins.
Le comptoir N° 1 à Bruxelles-national est celui de Brussels airlines Afrique, et l’enregistrement des bagages se fait sur la partie droite de la rangée. On ne peut pas la rater ! Alors que les autres destinations africaines se déroulent dans un grand calme, ici, une accumulation invraisemblable de bagages, de toutes formes et de tout format. Nous même avons dû embarquer pour un orphelinat 46 kilos en deux grands sacs. Notre compagnie a prévu le coup, et permet 46 kilos par personne, mais elle permettait même ce jour-là un maximum de 69 Kilos. Et personne ne s’est privé de cette aubaine, notre bagage pour deux était de 16 kilos. Tout cela, dans un méli-mélo de famille et d’amis bruyants et enthousiastes. Ce joyeux capharnaüm se prolongea dans l’avion, les hôtesses ne perdant pas le sourire dans ce désordre permanent. Quand le duty-free est passé, chaque personne voulait profiter et les hôtesses n’ont jamais pu finir le trajet. Quand le commandant de bord annonça, l’approche de Kinshasa, et qu’il priait les passagers de regagner leurs sièges, la majorité des passagers s’est levée pour refaire leurs bagages.
Vers la fin du voyage, un passager s’est mis en tête de faire une longue péroraison sur le mérite de la race noire. Si le ton était calme et modéré au départ, sous la forme d’une mélopée rythmée, il s’est auto-excité et est arrivé à faire un discours pour la moitié de l’avion, arrachant quelques sourires, mais ce dont personne ne se serait avisé de le contredire. Il exhortait son public à mieux connaître l’histoire dont il avait une version originale : « tu comprends, la Grèce doit son essor à Pythagore, et celui-ci s’inspira des Egyptiens, donc des noirs » logique … « l’humanité sera sauvée par les noirs ». Il y a un temps où les blancs pensaient la même chose d’eux ! Certains le pensent toujours, mais ils n’osent plus le dire. Je dois dire que ce type de discours est une sorte de poème qui reflète bien des choses, mais qui sur un certain terrain peut se relever fort dangereux pour des êtres fragiles.
De nombreuses descriptions m’ont été faites sur l’arrivée à l’aéroport de Ngili , dans laquelle, sans une escorte prête à payer des fonctionnaires et rastaquouère de tout type, vous risquiez fort de vous trouver parfaitement dépouillé. Ces accompagnateurs se prénommaient des protocoles. Il parait qu’en 2009, on était reçu dans une sorte de cabane, et qu’il fallait suivre à pied un chemin balisé par deux bandes jaunes. C’est dire que je m’attendais à tout. Un bus nous attendait à la passerelle, et après une longue file à la douane nous avons récupéré nos bagages sur le tapis N° 1 comme le disait la speakerine de l’aéroport. Il y avait en effet un très beau tapis mais il était unique. Nous avons ensuite embarqué dans un somptueux 4 x 4 Mazda, pour prendre un boulevard 2 x 4 bandes pour arriver au centre de Kin en une demi-heure environ. Il paraît qu’avant, il s’agissait d’un chemin dans un état indescriptible. Nous avons ensuite mangé une délicieuse pizza dans un restaurant où tous les clients étaient blancs(sauf les serveurs et François), o Poeta.
La première journée
Notre équipe se compose de cinq membres, Luc Banota, François Madoki, Anne Meunier , Geneviève Oldenhove , mon épouse, et moi-même, Lawrence Cuvelier. Nous sommes tous membres de maison médicale, et nous sommes là dans le cadre du projet Liboso qui consiste à soutenir les centres de santé primaire par des maisons médicales belges dans le cadre d’un partenariat d’échange d’expériences. Les soins de santé primaires font parties d’un échelon essentiel d’une bonne gestion des soins de santé et malheureusement, ils ne jouissent pas dans ce pays d’une bonne reconnaissance sociale, et donc les soins sont orientés vers l’hôpital, où ceux-ci bénéficient d’un certain prestige.
Vers sept heure trente, nous avons eu la visite d’Anatole, fonctionnaire haut placé à la santé publique, plein d’allant et de dynamisme. Il nous a guidé et dirigé vers une série d’interlocuteurs. Toute la matinée, nous avons eu la visite de personnes importantes, qui nous ont tous diffusé le même discours. Pour voir aboutir notre projet, il est essentiel de venir voir nos partenaires au Congo, sous peine de perdre notre crédit. Un projet de ce type, entre pair, doit être un modèle, qui toutefois par sa différence sera sans doute moins crédible au nom de certains, que des projets avec des milliers d’euros, des véhicules de luxe, et des expatriés. Nous devons aussi avoir des accroches concrètes sur certains projets comme les maladies chroniques ou la santé publique. Ils nous ont confirmé que le groupe Liboso (en avant en Lingala) avait pris de bonnes options, et ils insistaient pour que les personnes de références soient les gens qui travaillent effectivement dans les centres et pas des responsables qui supervisent de loin le projet.
Nous sommes hébergés dans un centre pour handicapés, et il parait qu’il s’y déroule des opérations. Quand, je vis passer devant moi, un monsieur très digne en tenue de salle d’op, je me suis dit, voilà un valeureux chirurgien. Je dus déchanter, quand je le vis brandir un balai et balayé la cour.
Nous avons eu ensuite un excellent repas préparé par la cousine de Luc, typiquement congolais, avec des feuilles de manioc préparés comme des épinards, des bananes cuites bien savoureuses, des brochettes et du poulet. Il semble que nous aurons droit à la cuisine congolaise durant tout le séjour. Nous avions auparavant été faire des courses avec un chauffeur, entre autre pour pouvoir bénéficier d’une connexion internet. Il fallait d’abord aller chez Orange, et le chauffeur précisait dépêchons nous, il faut aller vite car les bureaux ferment avant midi. Il était plus d’une heure et le magasin était encore rempli. Nous sommes dans le quartier de la Gombe, quartier chic de Kinshasa. Dans le magasin une série d’articles européens dont du beurre des Ardennes (avec étiquette en anglais) et une foule de produit du Colruyt vendu bien plus cher qu’en Belgique (d’où l’importance des valises dans l’avion).
L’après-midi, nous avons décidé de prendre un bon temps en nous installant près du fleuve. Après être rentré dans une installation portuaire, le premier bar ne donnait pas vraiment satisfaction, nous sommes allés vers le nautic club de Kinshasa, où le fleuve gonflé par l’eau de la saison des pluies, nous donnait une vision splendide, malgré un village sur pilotis à proximité. Un défilé de pirogue de pêcheur nous faisait souvenir de Tintin au Congo ou de certaines très belles aventures de Spirou et Fantasio . De nombreux oiseaux ont agrémentés notre après-midi bien arrosée par de la Primus. Il faisait il est vrai particulièrement chaud et humide. Des Grues, des ibis, des hérons, des martinets et surtout un splendide martin-pêcheur à la robe bleu roi. Au sortir de cet endroit idyllique, un vieux militaire ouvrant la barrière nous faisait le salut militaire, plein de dignité touchante, on est évidemment loin de l’égalité des classes.
Se balader dans Kin avec des habitués n’a fait qu’arracher des exclamations de surprises. Le fameux marché des valeurs (des voleurs) s’est transformé en magnifique place au centre de laquelle domine une très belle fontaine. Autre signe qui ne trompe pas, la valeur du franc congolais est devenue stable. Enfin le prix des terrains est devenu affolant et certains propriétaires et habitants de bidonville sont devenus potentiellement très riches.
Le soir nous sommes allés dans un quartier populaire manger de la chèvre et du poulet. Dans ces rues, où le samedi soir régnait une ambiance toute africaine, il y avait un écran de télévision tous les dix mètres, avec retransmission de matchs du championnat d’Angleterre et d’Espagne. Il parait que la moitié des kinois sont pour le Barça tandis que l’autre est pour le Réal. Et que les partisans de l’un détestent l’autre club. Nous avons pu le constater quand, devant rentrer dans un immense hall lors d’une averse, les personnes regardaient le match Valence- Barça, et qu’à chaque prouesse d’un club, les clans se divisaient avec houris et acclamations. Le bruit était vraiment insupportable, mais nous nous sommes fait abordés par un certain Charles, ami de Luc qui vit la moitié du temps à Bruxelles. Kin est un village de 12 millions d’habitants. Luc s’est d’ailleurs séparé de nous pour vivre sa vie la nuit. Un orage tropical s’est déclenché dans la nuit et il a eu du mal à rentrer, l’orage ayant perturbé la distribution d’électricité, la porte électrique de notre complexe ne pouvait pas s’ouvrir.
Premières impressions
This entry was posted in Uncategorized. Bookmark the permalink.